Les rennes maigrissent pour Noël

Les rennes maigrissent pour Noël

par David Grémillet, directeur de recherche CNRS au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive de Montpellier

Chaque semaine sur notre site, «l’Albatros hurleur», une chronique écologique de David Grémillet. Aujourd’hui, retour sur l’impact du réchauffement climatique sur les populations de rennes.
 
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Les rennes ne sont pas nés pour tracter le traîneau du père Noël dans les cieux, mais pour arpenter taïga et toundra à la recherche de leur nourriture. Ils émettent un petit claquement sec à chaque pas, produit par les articulations de leurs pattes. Ainsi, la harde en mouvement n’a pas besoin de grelots pour annoncer son passage ; le crépitement des foulées est audible à bonne distance. Certaines populations de rennes sont largement sédentaires, d’autres effectuent les plus grandes migrations animales connues en milieu terrestre, sur des milliers de kilomètres.

Une fois parvenus dans leurs aires d’hivernages, les rennes survivent chichement en grattant la neige avec leurs sabots évasés comme des raquettes. Ceci leur permet de brouter mousses et lichens, sauf quand le climat fait des siennes : dans une région arctique qui se réchauffe trois fois plus rapidement que le reste de la planète, les pluies verglaçantes sont de plus en plus fréquentes en hiver. Ces précipitations recouvrent la neige d’une barrière de glace infranchissable pour les rennes, qui jeûnent alors et subsistent grâce aux réserves de graisse accumulées à l’automne. Fort heureusement, le réchauffement climatique induit des étés indiens de plus en plus cléments et prolongés, au cours desquels les rennes engraissent joyeusement (1). Ainsi, ce ne sont pas les rennes les plus grands, mais bien les plus gras qui survivent le mieux à l’hiver arctique, en dépensant le moins d’énergie possible (2). Dans l’obscurité glaciale de la nuit polaire, leur organisme fonctionne au ralenti, avec une température périphérique en baisse et un rythme cardiaque réduit de moitié (3).

Les femelles, déjà gestantes au cours de l’hiver, sont alors sur le fil du rasoir : la reproduction va mobiliser une partie de leurs réserves, équivalente à une perte d’un dixième de leur poids (4). Ce régime minceur ne sera soutenable que si les épisodes de pluies verglaçantes ne sont pas trop intenses, ni trop fréquents. Steve Albon, éminent spécialiste du renne basé en Ecosse, se veut néanmoins rassurant : «Au Spitzberg, même si le réchauffement climatique rend les hivers difficiles, les étés longs et chauds permettent aux rennes d’engraisser plus qu’auparavant, et les effectifs sont en augmentation.»

 

David Grémillet est directeur de recherche CNRS au Centre d’études biologiques de Chizé (CNRS-La Rochelle Université). Chaire d’excellence Nouvelle-Aquitaine.

(1) Loe, L. E., Liston, G. E., Pigeon, G., Barker, K., Horvitz, N., Stien, A., … & Albon, S. D. (2021). «The neglected season : Warmer autumns counteract harsher winters and promote population growth in Arctic reindeer», Global Change Biology27 (5), 993-1002.
(2) Trondrud, L. M., Pigeon, G., Król, E., Albon, S., Evans, A. L., Arnold, W., … & Loe, L. E. (sous presse). «Fat storage influences fasting endurance more than body size in an ungulate», Functional Ecology.
(3) Trondrud, L. M., Pigeon, G., Albon, S., Arnold, W., Evans, A. L., Irvine, R. J., … & Loe, L. E. (2021). «Determinants of heart rate in Svalbard reindeer reveal mechanisms of seasonal energy management», Philosophical Transactions of the Royal Society B376 (1831), 20200215.
(4) Pigeon, G., Albon, S., Loe, L. E., Bischof, R., Bonenfant, C., Forchhammer, M., … & Stien, A. (sous presse). «Context‐dependent fitness costs of reproduction despite stable body mass costs in an Arctic herbivore», Journal of Animal Ecology.
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