Dans les méandres du fleuve

Dans les méandres du fleuve

 

Par Didier Arnaud

Visite de la maison de Julien Gracq, virée en bateau ou observation de la nature… Balade sur les bords de la Loire.

Des jardins en terrasse surplombent la Loire, avec une vue magnifique sur le fleuve. La maison natale de l’écrivain Julien Gracq a été construite par son père au début du XXe siècle à Saint-Florent-le-Vieil, dans le Maine-et-Loire. Ce mercier, qui a bien réussi, y a installé sa famille. L’écrivain est revenu, après sa retraite quand il a quitté l’enseignement (il était professeur de géographie). Il y a passé les dernières décennies de sa vie. Dans son legs, Gracq mentionne la création d’un lieu de travail et de repos pour les auteurs.

Deux poètes, Laure Gauthier et Benoît Toqué, y résident actuellement et travaillent à des projets de roman. Après son décès, en 2007, la maison a, selon les vœux du romancier, été transformée en résidence d’écrivains. Trois appartements permettent d’accueillir les résidents. Des citations de l’écrivain sont visibles sur les murs. Un espace permet de parcourir son œuvre, avec des extraits sonores. Gracq s’inspire des paysages des bords de Loire, qui changent selon la brume, débordant en hiver ou s’asséchant en été, laissant apparaître des îles de sable.

Au rez-de-chaussée, une chambre des cartes et, à l’étage, une bibliothèque remarquable : plus de 25 000 ouvrages appartenant à l’écrivain. Certains livres sont dédicacés. Les paraphes de Milan Kundera, André Breton ou Jean-Marie Le Clézio ont été conservés. Pour les autres, il a coupé de façon très propre les premières pages, car il était effrayé par la «muséification de la littérature», selon Jérémy Fabre, directeur de la maison Julien Gracq.

 

A quelques encablures de cette fameuse maison, un bateau à fond plat typique de la Loire, une «toue cabanée», qui peut naviguer en période estivale, en période de très basses eaux. «On utilisait ce type de bateau il y a trois cents ans, explique Fabien Rollet, responsable de la Toue. A l’époque, cela servait aux pêcheurs, passeurs, et autres extracteurs de sable. C’était plus rustique. Parfois, ils dormaient dedans. On pratiquait la pêche au carrelet, ou avec des filets de barrage. Ils attendaient le poisson qui passe et dormaient dessus.» Car la Loire, c’est également la pêche. Un ancien pêcheur professionnel raconte que 120 personnes en vivaient, il y a quelques décennies encore, dans un village voisin. «C’était l’activité principale jusqu’à la Révolution, puis on a eu moins de poissons en Loire, le niveau a beaucoup baissé, les frayères se sont asséchées, le chenal s’est fortement creusé. Des mini-barrages perpendiculaires au fleuve ont contribué à freiner le courant. Toutes les zones humides ont quasiment disparu et le poisson se régénère moins.»

Retour sur l’embarcation de Fabien Rollet. Il est né à trente kilomètres d’ici. Ses parents n’allaient pas trop sur la Loire. «Je suis tombé amoureux du fleuve, explique-t-il. J’ai acheté une plate et, quelques années plus tard, une maison. Mon premier ami était pêcheur professionnel sur la Loire. Il lançait une activité de balade en bateau, je l’ai accompagné. J’aime naviguer toute l’année, cela varie tout le temps : au printemps, on a beaucoup d’îles. Puis on voit les oiseaux en période de nidification, les migrateurs qui viennent nicher, en automne, dès que les feuilles rougissent, le paysage est extraordinaire.» Quand il fait froid, la brume crée une ambiance atypique. Il faut, poursuit Fabien Rollet, savoir regarder les sternes qui nichent dans les bancs de sable, les spatules et autres martins-pêcheurs, les tadornes de belon…

Avant l’avènement du chemin de fer, la marine marchande était très active. Une cinquantaine de bateaux passaient chaque jour, un ponton, appelé ici «estacade», servait comme lieu de chargement et de déchargement de marchandises. Aujourd’hui, le fleuve reste une attraction indéniable – même s’il est interdit de se baigner à cause des courants et des mouvements de sable. Depuis quinze ans, le circuit de la Loire à vélo s’est mis en place, amenant de nouveaux publics. Il y a beaucoup de passage et d’animation. Le fleuve et toujours vivant…

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